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Ce texte n’engage que moi, et en aucun cas ma maison d’édition ou les auteur•ices qu’elle publie.
Bonjour bonjour,
À l’instar de certain•e•s de mes collègues écrivaines et écrivains, je vais essayer d’amener ici quelques éclaircissements sur la réalité de l’édition et de son travail – et à fortiori du métier d’auteur –, ainsi que sur les conséquences matérielles des systèmes dans lesquels nous nous inscrivons dans le monde du livre. Car je pense que c’est une réalité trop largement méconnue, et que sa connaissance peut (nous) être assez favorable.
Je fais vite.
Une des rémunérations de l’auteur se calcule selon un pourcentage sur le prix de vente du livre. Ce pourcentage tourne autour de 8%, en moyenne (selon le baromètre annuel de la Scam). À titre d’exemple, mon dernier roman Là où les trottoirs s’arrêtent est vendu à 14 euros prix public TTC. Personnellement, je suis à 13% du prix public hors taxe (ce qui est bien au-dessus de la moyenne comme vous le devinez). Je gagne donc 1,73 euros par exemplaire vendu. Ainsi, si 100 livres sont vendus, je touche 173 euros de ma maison d’édition.
       À ça s’ajoute d’autres sources de revenus : à-valoir, rémunération d’une intervention en librairie ou en festival (lorsque c’est payé), bourse d’écriture, etc. J’en reste là.

      J’entends souvent : tu touches combien pour ton livre ? la moitié du prix ?
C’est notamment sur ça que je voudrais m’attarder aujourd’hui, sur la répartition entre les différents acteurs de la chaîne du livre, avant d’aborder les difficultés croissantes auxquelles sont confrontées chacun d’entre eux.
 source diagramme : éditions du commun
(À noter que le diagramme représente des moyennes qui peuvent légèrement varier, notamment sur le pourcentage éditeur et auteur, le pourcentage libraire, l’imprimeur selon l’endroit où on choisit d’imprimer avec les conséquences écologiques qui en découlent, etc.)
Une petite parenthèse s’impose.
      Il y a : les ministères de l’édition, Gallimard, Flammarion, Grasset, Robert Laffont et cie en tête.
      Et il y a : des structures indépendantes, des maisons d’édition qui ne dépendent ni n’appartiennent à de grands groupes industriels dirigés par des personnes avec qui nous ne voulons pas avoir affaire (Lagardère, Bolloré), et dont la richesse a été fondée sur des bases plutôt nauséabondes (nucléaire, armement, corruption).     
Par qui voulons-nous être publiés ? Avec qui ? À côté de qui ? En 2021, j’ai publié sur Rebellyon une Tribune pour une morale de l’écriture qui développe davantage ces points.
Les maisons d’édition indépendantes sont de plus en plus en difficulté, pour de multiples raisons que je ne développerai pas ici.
      Or, elles défendent des textes de primo-auteur•ices, de littérature contemporaine et de poésie, d’essais… ce sont les voix singulières qui sont mises à mal. Les voix qui ne répondent pas à des logiques commerciales et capitalistes mais bien à la nécessité de dire – des voix qui prennent en compte l’espace de parole qu’elles occupent. Les voix qui développent des thématiques politiques articulées autour des systèmes d’oppression. Les voix qui répondent aux enjeux contemporains qui nous traversent individuellement et collectivement. Les voix qui s’attachent à raconter des histoires qu’on ne raconte pas à partir de perspectives féministes, queers, décoloniales, anarchistes et antiracistes.
J’en viens maintenant à ce pour quoi j’écris ce texte aujourd’hui.
Une réalité éditoriale : la maison d’édition qui me publie, Blast, est dirigée par deux personnes, Sol et Karima, ayant chacun•e un emploi à plein temps à côté. Il ne s’agit pas ici d’esthétiser cette réalité, d’en faire quelque chose de l’ordre du dévouement ou du sacrifice, mais bel et bien de montrer les choses comme elles sont. C’est-à-dire du bénévolat. Je ne développerai pas davantage et renverrai plutôt à ce post.
      Une autre réalité touche l’ensemble du secteur : le prix du papier a atteint des prix très élevés, sans parler de l’augmentation du coût de l’électricité qui se répercute de multiples façons.
C’est pourquoi je relaie le communiqué publié par Blast ce lundi 29 mai qui appelle aux dons.
Bonsoir à toustes ! C’est avec un immense plaisir qu’on vous annonce galérer toujours. On a vraiment essayé de tenir tenir pour éviter ce cas de figure, mais force est de constater qu’on n’a pas la recette. Le prix du papier augmente toujours, le prix du reste aussi et on a du mal à équilibrer tout ça.
On lance donc une cagnotte de soutien (lien en bio) pour aider peut-être l’asso à y voir plus clair. On est terriblement déçu-es et désolé-es d’en arriver là, l’argent ne devrait pas venir d’ici mais tmtc.
On est si claqué-es qu’on a la flemme d’écrire la colère que ce soit toujours les structures indés qui soient vouées à la précarité, en plus de la précarisation des personnes opprimées qui écrivent, dessinent, publient. On est aussi en colère de recourir à une cagnotte. Si des personnes peuvent aider, on en serait très très reconnaissant-es et si des personnes souhaitent commander les livres, aussi.
Pour info on est bénévoles, la structure nous doit 6000 € d’argent qu’on a filé sur ces 4 dernières années des salaires du taf alimentaire (et on est à sec). On fait pas la collecte pour être remboursé-es mais pour imprimer les prochains textes prévus.
Vive les littératures queers et racisées, toujours. Nul n’est indispensable, surtout les groupes.
Merci encore à celleux, auteurices, illustrateurices, représ, libraires, lecteurices qui nous soutiennent au quotidien.
Je suis conscient des enjeux que je peux éventuellement soulever en partageant cet appel aux dons. Premièrement parce que je suis publié par Blast. Deuxièmement – et c’est bien plus important à mon sens –, parce que la plupart des campagnes de financement de ce type s’adressent majoritairement à des personnes précaires. Sachez que c’est en connaissance de cause que je relaie cet appel aux dons aujourd’hui, tout en rappelant que n’est pas le seul moyen d’apporter son soutien.
       Acheter un texte. Lire. Aller en librairie ou en bibliothèque. Partager vos lectures sur les réseaux, lors de clubs ou d’arpentages. Se déplacer aux rencontres. Prendre ce temps-là. Nous écrire. Nous inviter en librairie lorsque vous en avez la possibilité – et les moyens d’assurer derrière. Nous inviter en festival. Dans d’autres espaces pour échanger, créer ces moments si importants et galvanisants. Prêter un livre. Le garder pour soi. Offrir. Imprimer, et coller.

       La précommande est un bon moyen d’apporter concrètement son soutien. En ce qui concerne Blast, trois publications sont à paraître, déjà disponibles à la précommande.
Aujourd’hui, Blast est en difficulté financière et a besoin de vous, de nous.
       Pour la cagnotte, c’est ici :

https://www.helloasso.com/associations/editions-blast/formulaires/1
Pour reprendre les mots de Chloé, libraire à Floury Frères : les histoires professionnelles sont aussi des histoires humaines qui participent à la joie de nos quotidiens.
       <3   Baptiste 
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VINGT
OCTOBRE
DEUX MILLE
VINGT-TROIS